Le phallopode des jardins -

Animal nocturne à la démarche hésitante toujours à la limite du déséquilibre existentiel de l’espèce en voie de disparition. Il se déplace en lançant sa langue sur les obstacles qui contredisent son goût immodéré pour les substances suaves. Il est déconseillé de s’asseoir dans l’herbe au risque de retrouver l’animal fixé aux parties sensibles de l’entrejambe. Il est rapporté de nombreux cas d’érotomanes qui en abusent et mettent en danger l’espèce. Pour les jeunes enfants encore innocents qui le confondent avec un jouet, il représente un danger. La salive du phallopode, à l’instar des limaces salaces, contient un venin aux propriétés hallucinogènes. 

Il est de tradition dans la famille de R. de réunir, lors du solstice d’hiver les femmes du clan et de choisir, selon le calendrier lunaire et un ordre alphabétique immuable, le défunt qui sera déterré. Après une cérémonie très sobre, ponctuée de danses lascives et de gémissements, à la tombée de la nuit, le crâne est placé sur un autel sacrificiel.

Une femme est désignée par son ombre qui la suit. Elle brandit haut une chauve-souris de bronze avec laquelle avec ardeur mais méthodiquement, elle frappe le crâne en son sommet. L’os se fend et libère l’âme du défunt dans une odeur pestilentielle d’enfer.

A l'emplacement de la fosse commune,

pousse un arbuste dépourvu de feuilles

Toute personne sensée sait pertinemment que les méduses n’ont pas de yeux.

Mais moi, je l’affirme, je les ai vu. Ils ne s’ouvrent que la nuit pendant notre sommeil.

Vous comprendrez aisément pourquoi je ne peux dormir.

Dans les jardins du Fortiniari,

dans des niches de calcaire disposées à intervalles réguliers,

des écorchés présentaient leurs entrailles aux visiteurs.

Sous la pression de leurs poings, les haleurs ont écrasé leurs yeux.

Avec une foi aveugle, ils tirent ce char vers les lieux les plus incertains.

Joyce MANSOUR "Les gisants satisfaits" [1958]

"O toi, Marie et ton ventre doublé de membranes, Marie, sœur des innocents,

j'ai taillé un chemin à coups de corne dans la broussaille de ta matrice,

un chemin vers le ciel."

                  « L’amour blessait au cœur les fous comme les sages »

                  G. Apollinaire (Calligrammes)

Le violon d’Ingres politiquement correct a été amputé de son sexe féminin qui sans pudeur s’ouvrait en une corolle étroite dans le bas de l’instrument. La police des mœurs l’a remplacé par une rose défraichie plus conforme à la tradition des symboles aseptisés. Il est rigoureusement interdit aux musiciens de copuler avec leur instrument mais, sans cet acte nécessaire, comment atteindre la vibration ultime, cette musique si parfaite qui emmène le public dans un état d’orgasme ou de transe ?

Monastère d'Erostratie, les gardiens du tèton de la Sainte Vierge