Il y a un opéra rouge durant lequel les acteurs meurent à l'entracte,
tétanisés par les mots prononcés.
Quand la lumière s'éteint, les spectateurs hurlent, couvrant le chant
des ténors. Dans les allées des enfants jouent à couper les jarrets
des femmes en talons aiguilles. Des taureaux éventrés trainent leurs
viscères sur la scène en gémissant dans le rythme du violoncelle.
Des cantatrices nues errent en pleurant et poussent des adolescents
aveugles vers des rampes d'où ils tombent dans la fosse d'orchestre.
1er Acte.
Le sang en cette saison chaude, fume et enveloppe les cadavres d'un
brouillard qui stagne. Les bourreaux sont nus et luisants de sueur.
Armés de crocs et de piques, ils déchirent, fouillent les corps et
hurlent de joie quand le fer saisit un fœtus. Des cordes, des filets
sont aussitôt lancés pour recueillir le précieux butin qui passe
de main en main pour terminer pendu aux branches d'un arbre. D'autres
bourreaux ont revêtu des vêtements de femme et, en mimant l'extase,
rampent sur les cadavres, s'agitent en cadence, tendent leurs bras
vers le ciel et lorsque la mort semble les avoir submergé, ils se
redressent hilares, barbouillés de sang noir, pour replonger de nouveau.
2éme Acte - Intervention du boucher Pancrace
Il pointe son couteau ensanglanté vers le public et clame
"Où est notre destin si, restant vautré dans la position horizontale,
notre sang n'est plus porté à la tête mais dans le cul de décors
vides ? A qui la faute si les mots et les phrases sans échos ne
bouleversent plus le flux de nos humeurs ? Resterons-nous sans rêves
de conquêtes ? Sans marées de pourpre tombant sur nos yeux ? Sans
bruissements d'ailes étouffés par nos prières ? Sans souvenirs
éphémères pour remplir nos carapaces de barbares ?"
A ces mots, il s'écroule exsangue sur un étal et expire en murmurant
"La haut, nous avions sorti le mystère du ventre de nos mères pour
le porter sur une scène ! La haut était le commencement où nous
condamne notre fin. Je vous en conjure, ouvrez les portes de votre
théâtre intime"
Des jeunes vierges habillées de rouge, reprennent en chantant les
dernières paroles du boucher Pancrace et se saisissent de son corps.
Déstabilisées par son poids et les chiens qui tentent de les mordre,
en titubant, elles se dirigent vers les coulisses.
3éme acte
Un jeune enfant au visage d'ange, lance sur le sol la tête de son
père. Armé d'une verge, il la poursuit, la traque, et la frappe pour
essayer de l'arrêter. La tête paniquée tente d'échapper par des
rebonds imprévisibles, mais le père fut un bon professeur et l'enfant
devine les trajectoires. La tête finie sa course entre les pieds des
spectateurs qui l'écrase.
4éme et dernier acte
Arrivée brutale des bombardiers, des roquettes à fragmentations
éventrent le théâtre et les spectateurs. Dans la panique, des
bousculades et des bagarres s'ensuivent, heureusement des enfants
armés de lance-flamme, de manière méthodique rétablissent l'ordre.
Applaudissements des survivants qui défileront dans la grande rue.